Golden Yukiko - Elle brillait d'un éclat infini... : Critiques

Nakute mo Yokute Taema Naku Hikaru

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Août 2025

Avec Golden Yukiko - Elle brillait d'un éclat infini..., Le Lézard Noir nous fait l'immense plaisir de publier pour la première fois en France l'une des nouvelles figures de proue du manga d'avant-garde: Natsujikei Miyazaki. De son ancien nom de plume Natsuji Kei, cette mangaka née en 1987 a, depuis ses débuts professionnels en 2010, été très saluée par la critique pour son style expérimental et personnel, si bien qu'elle est considérée comme l'une des figures majeures d'une nouvelle génération d'artistes concevant du manga d'auteur.

Initialement prépubliée au Japon en 2017-2018 dans le magazine Hibana et sur l'application Manga One des éditions Shôgakukan sous le titre "Nakute mo Yokute Taema Naku Hikaru" (que l'on pourrait traduire par "C'est bien si ce n'est pas nécessaire, mais ça brille en permanence" ) , cette oeuvre compte 14 chapitres pour un total de quasiment 300 pages, et nous immisce auprès d'un lycéen en classe de première qui n'a, à première vue, rien qui sorte de l'ordinaire, bien au contraire: ayant une allure banale, ne faisant partie d'aucun club, discret et n'étant pas bon en sport, Noboru Namiki a pour principale qualité, d'après son camarade de classe Machiyama, du talent en dessin (et plus spécifiquement en dessin de crottes, hum). Mais le jeune garçon semble aussi, en réalité, avoir une imagination débordante, imagination qui l'intéresse bien plus que la réalité et qui lui fait voir, depuis qu'il est tout petit, celle qu'il appelle Golden Yukiko, une fille ravissante et hypnotique qui apparaît fugacement quand il pense à elle. peut-être bien que, dans sa vie, Noboru n'a quasiment besoin de personne d'autre que cette fille semblant sortie de son esprit... Mais que se passera-t-il lorsqu'une fascinante adolescente apparaît dans son lycée, précisément sous le nom de Golden Yukiko, et qu'elle semble bien réelle puisque même Machiyama, entre autres, la connaît ?

A partir de ce point de départ, l'autrice croque en premier lieu une chronique adolescente qui, au rythme de l'année scolaire (fête du sport, Golden Week, vacances d'été...) et de la vie familiale de Noboru (une mère trop obnubilée par ses lubies, un grand-père à la santé défaillante, un père sur qui on va éviter de dire quoi que ce soit), distille mine de rien tout un portrait de jeunesse où il pourra tour à tour être question des premiers émois amoureux, du désir sexuel pouvant aller avec, de la question de l'émancipation face aux parents et de l'affirmation de soi, des apparences (car concrètement, la Golden Yukiko de la réalité, avec son caractère bien marqué, et assurément différente de l'image idéale que notre héros avait de la Golden Yukiko de son esprit)... et surtout, de la force de l'imagination.

Car c'est bien cette notion d'imagination qui, tout au long du récit, est la plus prégnante, et pour cela Natsujikei Miyazaki gère très, très bien les choses en jouant sur la frontière floue voire très floue entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas ici. Golden Yukiko et d'autres éléments sont-ils réels ? Ou Noboru est-il totalement pris dans ses songes ? Et s'il s'avérait que c'est son imagination qui a totalement pris le dessus, serait-ce alors pour fuir quelque chose dans la réalité ? A ces interrogations, la mangaka ne répond pas, ou en tout cas pas de manière définitive: brouillant sans cesse les pistes pour mieux nous perdre nous-mêmes auprès de son héros, elle nous pousse volontiers à nous-même utiliser notre imagination pour nous faire notre avis.

Si la lecture se révèle alors être une expérience fascinante, c'est aussi en grande partie car la mangaka adopte un style assez littéraire, et qui est même largement hérité de la littérature surréaliste avec son rejet de la construction logique de l'esprit, et l'exploitation poussée des songes, de ce qui semble irrationnel, et d'une forte dose d'absurde passant notamment par pas mal de petites notes d'humour étonnantes. Le dessin, lui, est faussement simple et accompagne très bien le propos, notamment avec ses designs aux contours fins voire parfois vagues, ses quelques contrastes noir/blanc (par exemple la blancheur qui caractérise souvent le personnage de Golden Yukiko, ses décors tantôt lâches tantôt bien plus réalistes voire un peu étouffants, ses quelques élans symboliques (à l'image du père de Yukiko qui a, à quelques reprises, des caractéristiques de démon dans son allure)...

Ce joli pavé constitue alors une expérience de lecture passionnante, notamment car l'autrice pousse suffisamment loin ses éléments surréalistes pour nous perdre dans son histoire et pour dégager ses thématiques. Evidemment, l'oeuvre a de quoi être naturellement déroutante et sort largement des sentiers battus, et c'est précisément pour ça qu'elle a de quoi rester gravée dans les esprits pour un petit moment. Dans tous les cas, il s'agit d'une belle réussite dans le domaine du manga d'avant-garde et d'auteur, et cela nous donne follement envie de voir d'autres ouvrages de l'autrice arriver en France.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, on ne donnera pas d'avis sur l'édition, mais on peut au moins souligner la clarté et l'efficacité de la traduction effectuée par Hugo Leroy.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs
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